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 Deux consignes, un texte

 V. Vergès, Ouaménie, Nouvelle-Calédonie, avril 2023. 

Parfois, les écrivant·e·s, pleine·s de créativité, relient les différents exercices, soit le début d'une chanson et un incipit (ici celui d'Alessandro Baricco, Novecento : pianiste, Fayard, 1997) et qui dans ce texte n'en n'est plus un !), ce qui donne : 

Il l'a fait

Ses premiers pas avant onze mois

Il l’a fait

Sourire, les genoux écorchés

Tomber de vélo et remonter

Il l’a fait

Sa petite sœur toujours chérir

Ne pas la pincer quand elle le faisait

Il l’a fait

Le bac a 16 ans

L’ingénieur qu’aurait pu être papa

Il l’a fait

Le gentlemen que rêvait maman

Il l’a fait

Les enfants plein les couloirs et

Les vacances au Club Med

Il l’a fait

Les manifs dire qu’il est aussi « elle »

Il l’a fait

Pour elles 

Il l’a fait

Pour eux

Il l’a fait

Pour maman

Pour papa

Il l’a fait

Tout bien comme il faut 

Et Puis

Un jour

Il l’a fait

Pris la mer

60 pieds, 2 mâts et des milliers de miles encore à faire 


Ce bord n’en finit plus, le bateau est calé, rien à toucher aux réglages, un ‘bord idéal’ en somme, vent stable, une seule voile, le grand génois déployé, le « Nessun Dorma », voilier éponyme de l’opéra, donne toute sa puissance, tandis que la musique de Puccini tonne dans les enceintes du carré de pilotage.

 

🎶  « Ma il moi mistero è chiuso in me,

Il nome moi nessun saprà ! » 🎶

🎵 Mais mon mystère est scellé en moi,

Personne ne saura mon nom... 🎵

 

Pourtant j’existe, maintenant, oui j’existe, par le sel sur mes lèvres, ma bouche qui a soif...
Par mes yeux qui n’en peuvent plus de scruter et mon cœur qui éclate, là, sur un champ de soleil explosé de mille éclats de verres flamboyants...

Par l’onde infinie et impermanente, qui veut me perdre et à laquelle je m’accroche. 

Par les oiseaux qui se prennent au tourment des voiles, jouent autour comme le font les dauphins à l’étrave...

Par ces matins si attendus, dévoilant doucement de nouvelles promesses, et qui me remettent au monde.

C’est une joie, mais une souffrance aussi. 

Une souffrance, les soirs, redoutés comme un rideau qui tombe après le grand spectacle. 

La nuit qui enveloppe de son manteau sombre et taiseux, réveille ma solitude et mes démons, instille le doute.

Il y eu...
Il y eu ce crépuscule flamboyant.
Comme les dernières braises du foyer, sa promesse était celle du noir absolu. Longtemps il a brulé les nuages alentour et puis... 

Plus rien...

Plus rien, sauf une brise nocturne. 

Alors, une à une, les étoiles se sont allumées et, ce fut tout un ciel, un ciel du Sud, fendu d’une voie large, luminescente, ardente, puissante. 

Un fleuve.

Elle a ouvert sa trace entre moi et le monde, celui d’au-delà de toi, de moi, de la terre.

Ça m’a déchiré.

J’ai pleuré comme le font les enfants.

 

🎶  « Il nome suo nessun sarpà

E noi dovrem, ahimè, morir, morir ! » 🎶

🎵 Personne ne saura son nom...

Et nous devrons, hélas, mourir, mourir ! 🎵

 

J’étais mort, je suis en vie.

J’étais quelqu’un, je suis moi. 

Ça arrivait toujours, à un moment ou à un autre, il y en a un qui levait la tête et qui la voyait.

Et je t’ai vu, et je t’ai convoité.
Tu serais mienne. 

Tu as été l’élue, élue par papa, élue par maman et, bien sûr, nous avons fait les plus beaux enfants du monde.

Ainsi s’écrit l’histoire du bonheur...

Le bonheur ne saurait mentir. 

Tu scrutais mes élans, mes rires ; imaginative, infatigable, tu relançais les phrases suspendues, dopais les lassitudes. 

Tu es le meilleur soldat du bonheur, tu es le vaisseau mère de la famille, celle qui porte, protège, toujours sur le pont. 

Tu as tracé notre cap.

Pourtant, tu t’es fracassée, brisée sur l’écueil de mes soupirs effacés, de mes attentions distraites, de mon amour en demi-teinte.

Tu méritais un opéra, l’amour de 20 violons, l’éclat des cuivres, la force sourde et vibrante du violoncelle, tu méritais le chant du aubois, virevoltant à tes oreilles.

Tu méritais des nuits torrides et des matins apaisés.

Je suis parti comme un lâche, j’ai fui comme un ignorant.


Pétole...

Le Nessun est à l’arrêt, au milieu de l’eau.

Je ne mets pas le moteur.

J’ai tout mon temps.

Je te sais sur la colline, tu as ouvert les volets lavande, enroulé ta lourde écharpe de coton bleu égyptien, et chaussé tes vieux godillots.

Je te vois, descendre le sentier ; ta main frôle surement les herbes hautes, elles sont en graine en septembre, sur tes talons, notre vieux Candide, cabot-trottine, déjà essoufflé.

Je vois, tes yeux humides, ils le sont toujours tôt le matin, tu les plisses un peu pour regarder le soleil poindre. 

À ce stade, tu ne fais plus un pas, tu écoutes, tu écoutes l’aube, les premiers chants des oiseaux qui s’appellent, se racontent, la légère brise qui froisse les feuilles, courbe les herbes hautes...

Puisses-tu m’entendre, par-delà notre humanité, sois libre mon amour.


V. Vergès, Atelier la Ouaménie, Nouvelle-Calédonie, avril 2023

 

🎵 Nessun Dorma de « Truando », opéra de Giacomo Puccini 🎵

https://www.youtube.com/watch?v=FMl124VvFRg


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