Je tenais à vous revoir
Ma rue était traversée de brume ce matin-là. L’une après l’autre, mes jambes s’étendent, mon corps se déploie. Sous la chaleur soyeuse de la couette, mon âme dort encore. Après le tourniquet du métro, les premiers effluves de chaleur. Le monde, le monde, le monde massé, jusqu’au bout du quai. Autour d’un café noir bien trop chaud, mon estomac se recroqueville en râlant.
Au coin de mon cœur, posée sur l’extrémité d’une fougère, une goutte de miel, l’éclat bleu de ton sourire, dans le sous-bois insoupçonné de mon espérance abandonnée.
Résistance au départ, résistance au frein, mon corps s’agrippe à la froide certitude d’une barre métallique tombée du plafond. Odeur des corps, étuve des regards perdus, désespoir des cœurs désertés.
Tes bras entourent naturellement ma taille, certitude du moineau retrouvant son nid.
Station après station, un compte à rebours s’égrène en secret. Le poids des dossiers, l’encombrement des réunions pesantes, l’inépuisable liste des tâches en attente, monte progressivement dans un ailleurs auquel chaque minute donne plus de consistance. J’ai fini par lâcher prise, le flot m’entraîne sur un quai désespérément familier.
Ton sourire vient de s’effacer, découvrant cinq mots sur le sable de ma mémoire :
« Je tenais à vous revoir ».
Louis Sajun, écrivant, le 10 juin 2016
Premier jet en ¾ d’heure, en pointillisme. Consigne sur l’intime et la pudeur. D’après L’étoffe de l’univers, d’Andrée Chedid, Flammarion.
Commentaires
Enregistrer un commentaire