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L’obsession, par Stéfanie B., écrivante

Obsession

Putain, ça me reprend ! 
Elle est encore là, cette force. 
Elle me submerge, elle agit comme une bête féroce. 
Sans prévenir elle me saute à la gorge, s’empare de mes entrailles. 
À chaque nouvel assaut le coup porté est de plus en plus violent. 
Les moments d’accalmie sont rares. 
Je supplie ma raison de reprendre le dessus. 

C’est décidé, désormais je n’y penserai plus. 
C’est fini.
De toutes façons ça ne pouvait pas marcher. 
Cette histoire ne mène à rien. 

Dans ces moments de lucidité, je puise au fond de mon être, l’énergie nécessaire pour refaire surface. 
Je me convaincs, me persuade à coup d’arguments bidons, pathétiques, que je suis redevenue moi-même. 

Solide, je suis déterminée, gonflée à bloc. Pour combler ce vide d’incertitudes et chasser la folie qui m’effleure, j’applique le remède infaillible pour guérir. 


Chasser l’obsession par épuisement pour ne pas sombrer. 
Je contre-attaque. 
Je me gave frénétiquement d’une nourriture spirituelle. 
Expo, théâtre, concert, footing, roman, lecture, poésie, footing, cinéma, footing, roman, théâtre, concert, footing, spectacle, footing, footing, footing…
La libération est proche, je la vois poindre. 

Soudain une fulgurance qui vient de mes talons, remonte le long de mes jambes et touche en premier mon estomac. L’impact est brutal, je chavire. 


Une deuxième attaque sert en étau mon ventricule gauche. 
Palpitations, frissons, mon sang coule, roule, déboule dans mes tempes. 
Je vacille. 

Putain, ça me reprend !
Où devais-je aller ? J’ai oublié. 

J’avance droit devant. 
Place d’Italie, un homme sort d’une bouche de métro. 
Il laisse flotter derrière lui un parfum qui me saisit, me gifle. 
Cette fragrance que je connais tant se propage, s’insinue, transperce ma peau.
L’odeur agit comme un acide et fait remonter à la surface des images, toujours les mêmes.
Ces images défilent et tournent en boucles dans ma tête. 
Autour de moi tout s’accélère. 
Les bruits de la rue m’agressent, les passants vomissent un langage que je ne comprends pas, les klaxons résonnent furieusement et percutent ma tête violemment.

J’ai froid.
Mon corps se raidit, je n’arrive pas à repousser l’attaque. 
La douleur revient et se loge dans mes veines.

Où devais-je aller ? J’ai oublié.

Pas d’autre choix, il fallait le quitter. 
Sans pudeur les larmes déferlent sur mon visage en vagues régulières. 
Ce roulis me berce dans une nostalgie ravageuse et je régurgite tristement des kilomètres de regrets. Je suis ivre de tristesse. 

Pourquoi l’ai-je quitté ? 
Un tourbillon de souvenirs heureux ressurgit. 
Je n’arrive pas à repousser l’invasion, les images déboulent en flux tendu dans ma boîte crânienne. 
Je n’ai plus la force de chloroformer mes souvenirs, n’y même la force de les abîmer. 

Mes pensées s’embrouillent.
La nuit est tombée si brutalement.

Je plonge désormais dans une bulle de temps suspendu ou je m’invente 
des milliers de scenari, des scenari de vie parfaite. La tristesse s’estompe peu à peu, 
je nage désormais dans mes fantasmes avec délice. Douce torpeur.

Mais soudain, sans prévenir, une vague /d’angoisse/ venant du plus profond de mes abysses, me submerge, m’étouffe, cette masse me broie, me happe, m’engloutie.
Le combat est disproportionné. 
L’attaque est fatale, je suis brisée, un mur de pensées morbides s’abat sur moi.

J’ai peur. 
Naufragée de mes pensées les plus sombres, j’erre, je divague, il fait noir.

Qui suis-je ? 
Putain, j’ai oublié.

Stéfanie B., Paris, juin 2016. 
Consigne sur l'obsession

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